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Crypto au Laos, Eldorado ou Far West ?

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La décision du gouvernement chinois de drastiquement restreindre les opérations de mining en juin 2021, a poussé de nombreux professionnels du secteur à se relocaliser à l’étranger. Prérequis pour s’installer : une source d’énergie fiable, capable d’alimenter les fermes à bas prix, et un agrément des autorités régaliennes, à minima une tolérance informelle fera l’affaire.

Sur un malentendu, une ambiguïté, et de toute bonne fois, ça passe. C’est la politique adoptée par de nombreux mineurs chinois, installées à flancs de centrale hydroélectrique au Laos, leurs régions d’origine ayant été contraintes de leur couper électricité en application des directives de Pékin. Entre autres raisons avancées : l’alimentation via les centrales à charbon pendant la saison sèche des fermes de minage est un désastre pour les ambitions écologiques chinoises.

Si au pays du million d’éléphants le potentiel hydroélectrique ne fait aucun doute, l’ambivalence légale est en passe d’être clarifiée. En septembre 2021, six compagnies ont été officiellement autorisées à miner du Bitcoin sur le territoire, dans le cadre d’un programme pilote. Parallèlement, le gouvernement planche sur un texte de loi pour encadrer ces activités.

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Machines de crypto mining dans la province de Champasack (Photo: AIF Group).

L’ébauche d’une réglementation, un texte fou ou flou

à 6,95 centime de dollars américain le kilowatt heure, (5,5 centimes en saisons des pluies), le tarif annoncé risque fort de refroidir les futurs investisseurs, d’autant plus que la chute du kip amène le consommateur lambda à payer moins de six centime le kilowatt heure à ce jour. Reste qu’en off, se répand l’idée qu’il serait possible de négocier un taux préférentiel moyennant un payement anticipé de plusieurs mois voire plusieurs années.

Une licence d’exploitation est fixée à 500 000 dollars américain, ainsi que d’un impôt basé sur la taille de l’alimentation électrique. Les services d’échanges en revanche seront taxés à hauteur de quinze pour cent, un tarif incompréhensible pour le citoyen ordinaire.

Le Laos espère ainsi dégager pas loin de 190 millions de dollars d’ici la fin 2022, d’après le ministère des Finances. Une rentrée financière bienvenue, qui devrait permettre, d’augmenter les allocations des fonctionnaires et de rembourser la dette du Covid. Plus timorée, la BOL2 a estimé dans un premier temps, que les crypto-monnaies n’étant pas réelles, elles ne sauraient être utilisables par l’État pour le paiement de la dette.

Pour l’heure, ce texte aux contours flous, salvateur pour les uns ou truffé d’aberrations pour d’autres, n’est jamais qu’une ébauche de loi, dont les principes restent encore à négocier. Mais de nombreuses interrogations subsistent quant à l’activité de minage en elle-même sur le territoire.

De légitimes craintes écologiques

Très gourmandes en électricité, les fermes à Bitcoin, officielles ou officieuses sont installées à proximité des nombreux barrages du bassin du Mékong. Une aubaine, car le Laos avec 7 millions d’habitants est largement excédentaire en matière hydroélectrique. La Chine voisine n’est pas étrangère à cette performance, ayant financée et construit elle-même de nombreux barrages en échange d’une exploitation de 29 ans à son profit.

Mais ces installations à grande capacité de retenue que sont les barrages à réservoir, par opposition aux infrastructures au fil de l’eau, ne sont pas sans poser problème. Les études socio-environnementales sont soupçonnées d’être bâclées ou inexistantes. En 2018 l’effondrement du barrage de Xepian Xe Nam Noy dans la région d’Attapeu a causé la mort et la disparition de plusieurs centaines de personnes, sans parler des dégâts matériels jusque dans les pays voisins.


Mais les barrages sont là, et érigés ou pas par la Chine, la production sert à alimenter les pays limitrophes où explosent la demande en électricité. Quant à la distribution locale, elle avance au rythme de la nécessaire mais coûteuse électrification, tout autant que l’entretien de l’infrastructure en elle-même.

Dans ces conditions, le mining semble plutôt une aubaine, puisque les revenus engrangés financeraient ces projets onéreux, sans rien prendre aux habitants à condition d’utiliser le surplus d’électricité produit par le barrage. Il sera peut être judicieux d’ajouter tout de même une clause d’effacement, au profit des populations. Récemment encore les habitants de la région de Luang Prabang se sont retrouvés dans le noir, faute d’électricité disponible, entièrement absorbée par des fermes de mining chinoises.

Discrètement installées près d’un barrage, les mineurs espèrent sans doute passer sous le radar du régulateur légal, qui planche encore sur son projet de loi.

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Ngam Ngiep 1 Hydropower Project

Le Bitcoin entre criminalité et retombées socio-économiques

Passée l’inquiétude de la BOL quant au remboursement de la dette Covid grâce aux revenus de la cryptomonnaie, la régulation en cours devrait achever de clarifier l’encadrement prévu pour l’exercice de l’activité. Entre autre crainte : un regain de criminalité, causée par une mauvaise réputation persistante du Bitcoin comme monnaie de voyous, et la présence de casinos dans la zone du triangle d’or aux ramifications plus que suspectes. De ce point de vue là, si les quinze pour cent de taxes prévues pour l’échange de cryptomonnaie peuvent décourager le citoyen ordinaire, d’autres s’en accommodent. Habituées à près de cinquante pour cent de frais pour blanchir l’argent sale, les criminels pourraient bien saisir l’aubaine qu’offre un pays disposant d’une certaine « flexibilité » lorsqu’il s’agira de convertir des bitcoin au guichet en toute discrétion.

L’accès aux cryptomonnaies peut par ailleurs aider les populations rurales peu desservies par les services bancaires traditionnels, puisque les smartphones sont largement répandus. Au menu : la possibilité de contracter des micro-crédits, et d’envoyer ou recevoir à moindre frais des transactions internationales. Un avantage certain, pour les nombreuses familles qui dépendent d’un salaire perçu à l’étranger par l’un des leurs ainsi que pour les petits commerçants qui commandent leur approvisionnement en Chine.

L’une des six entreprises membres du programme pilote, Bitqik a déjà développé une plateforme d’échange, qui pourrait rencontrer un succès supérieur au mobile banking en son temps, qui lui reste limité au secteur local.

Miner du Bitcoin dans le giron de l’industrie hydraulique décarbonée, en plus d’être potentiellement un facteur de développement, reste une opération assez écologique si elle est bien réalisée. Reste à savoir si le petit pays du million d’éléphants saura trouver l’encadrement juste pour en faire profiter ses habitants, et contribuer avec cette nouvelle ressource à atteindre ses objectifs du Millénaire pour le développement.

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